CACEIS NEWS 39 FR

N° 39 - Septembre 2014 - caceis news 5

Le grand retour de la titrisation

Entretien avec Jean-Marc Léger, CEO EuroTitrisation La Commission européenne, le 27 mars dernier, a recommandé de relancer la titrisation pour fa- ciliter l’accès des PME aux mar- chés de capitaux. Assiste-t-on à un retour en force de la titrisation? Effectivement dans un contexte éco- nomique déprimé, la Commission européenne propose de relancer la titrisation dans son plan d’action du 27 mars dernier pour assurer le nancement à long terme de l’économie. La Banque Centrale Européenne (BCE) et la Banque d’Angleterre (BoE) appellent éga- lement à la relance de la titrisation en Europe. En termes d’encours, après avoir culminé à 2200 mil- liards d’euros en 2009, la titrisation européenne a retrouvé n 2013 son niveau de 2007, soit environ 1500 milliards d’euros. Le quali catif de « toxique » attribué parfois à la titrisation durant la crise tient plus à la façon d’utiliser cette technique de re nancement qu’à la technique en tant que telle. Jusqu’en 2008, l’opacité et la complexité de la pra- tique de retitrisation américaine, qui présentait des risques élevés dans un cadre non réglementé, ne peuvent être comparées aux pratiques euro- péennes se concentrant sur des sous- jacents de bonne qualité, gérés par des sociétés de gestion se confor- mant à la directive AIFM. La titrisation transforme des actifs (prêts aux entreprises, à la consom- mation, immobiliers, infrastruc- tures) en liquidités ou en collatéral permettant aux banques de se re - nancer auprès de la BCE. Par ail- leurs, les banques liées à l’industrie automobile ou à la grande distribu- tion ne disposent pas de dépôts et utilisent la titrisation pour se re nan- cer. Les entreprises peuvent égale- ment y avoir recours pour mobiliser leurs créances commerciales. En n 74 milliards d'euros d’encours répartis sur 120 compartiments, EuroTitrisation atteint 44% de part de marché en France Avec

les projets d’infrastructure sont de plus en plus nancés via des Fonds Commun de Titrisation (FCT). L’Association for Financial Markets in Europe (AFME) dé nit la titri- sation comme une « opération par laquelle des titres sont regroupés puis découpés en tranches selon leur niveau de risque ». Une reprise de la titrisation se dessine avec les nouvelles exigences de fonds propres de Bâle III pour les banques européennes, augmentant le ratio de fonds propres. Bâle III incite donc à la titrisation en réduisant le bilan des banques. Mais la titrisation d’un portefeuille d’actifs ne donne lieu

Les actifs se répartissent en quatre grandes catégories de sous-jacents : prêts aux entreprises (CLO-CDO), immobiliers (RMBS-CMBS), à la consommation (ABS) et aux projets d’infrastructures. La titrisation synthétique corres- pond à des opérations de transfert de risques clairement déterminés aux investisseurs souscripteurs. Ceux-ci interviennent donc comme des réassureurs ou des garants d’un pool de créances. On peut illustrer le potentiel de la titrisation dans différents secteurs de l’économie réelle par quelques FCT récemment montés et gérés par EuroTitrisation : Renault Credit Investissement (prêt et leasing), Credit Agricole Consumer Finance (prêt à la consommation), Carrefour Banque (cartes de crédit), Crédit Foncier (prêts immobiliers), Rexel et Eiffage (créances) et Natixis. Le développement de la titrisa- tion en France s’appuie essen- tiellement sur les FCT qui rem- placent les FCC depuis l’entrée en vigueur de la directive AIFM. Cette nouvelle législation a-t-elle des impacts sur votre stratégie ? EuroTitrisation, pionnière de la titri- sation et première société gérant des FCC en France depuis leur création en 1988, contribue à la relance de la titrisation favorisée notamment par la réforme du code des assurances du 2 août 2013. Elle permet à ces in- vestisseurs institutionnels de placer jusqu’à 5 % de leurs encours dans des véhicules de titrisation. En outre, une société de Place, l’Euro Secured Notes Issuer (ESNI), a été créée par les banques françaises et a procédé à l’émission de titres de créances ga- rantis pour 2,65 milliards d’euros en avril dernier, adossés à des créances bancaires aux entreprises (PME et ETI). Standardisés et liquides, ces titres pourront servir de collaté- ral auprès de l’EuroSystème après accord de la BCE, attendu pro- chainement. EuroTitrisation a été sélectionnée par un appel d’offres pour être la société de gestion de ce nouveau véhicule. Notre rôle dans le modèle ESNI pourrait se dupliquer avec d’autres banques européennes. Depuis 2001, Jean-Marc Léger est directeur général d'EuroTitrisation, où il a acquis une grande expérience de toutes les formes de titrisation. Diplômé de l'Essec, il a occupé différents postes de direction chez Paribas et chez Caisse des Dépôts. Jean-Marc Léger

Il s’inscrit dans notre stratégie de partenariat avec des acteurs euro- péens importants de notre industrie. La directive AIFM, qui vient d’entrer en vigueur le 22 juillet 2014, ren- force la sécurité de l’ensemble des gestions collectives en organisant au plan européen l’univers des fonds d’investissement alternatifs (FIA). La titrisation, avec près de 1500 mil- liards d’euros d’encours, constitue une part importante de cette catégo- rie. La titrisation béné cie de dispo- sitions particulières dans la directive AIFM, adaptées à ses spéci cités. La transposition en droit français présente à la fois une chance et un challenge pour les sociétés de ges- tion historiques de titrisation, dont la nôtre, qui assurent la gestion de 180 des 220 milliards d’encours d’opéra- tions titrisées. Une chance car avec le statut de société de gestion de portefeuilles (SGP), nous nous sommes dotés des outils de contrôle et de confor- mité communs à toutes les sociétés de gestion de fonds pour compte de tiers. Certes, nous avions déjà des procédures strictes dans le cadre de nos opérations conçues par des banques d’investissement ou des sociétés d’assurance, soumises à la notation de plusieurs agences de notations et créées en commun avec des dépositaires, dont CACEIS, qui nous contrôlent étroitement. Le cadre AIFM formalise ce suivi des risques, que nous avons très nement décrit à l’AMF dans notre dossier d’agré-

ment, renouvelé le 22 juillet dernier. Ce nouveau statut nous ouvre de nouvelles possibilités d’intervention dans la gestion de véhicules de titri- sations européens et de droit français. Nous avions anticipé cette évolution dès 2008 et allons ampli er nos mis- sions d’agent opérationnel de véhi- cules de droit étranger (luxembour- geois, irlandais), pour lesquels nous avons une première expérience, et pour d’autres juridictions de l’Union européenne. Nous pouvons égale- ment devenir gestionnaires d’autres véhicules en demandant non pas un nouvel agrément mais l’extension de nos programmes d’activités. Un challenge aussi car la directive AIFM renforce la concurrence eu- ropéenne entre sociétés de gestion. Nous avons d’incontestables atouts techniques pour y faire face. C’est pourquoi notre stratégie est forte- ment axée sur le développement européen, à travers des partenariats gagnants de complémentarité tech- nique et commerciale. La création conjointe de FCT avec CACEIS, en tant que dépositaire, a permis de bien nous connaître depuis longtemps. Nous sommes prêts à partager et à maximiser nos complémentarités sur les marchés européens en associant notre volonté commune de fournir une informa- tion transparente aux investisseurs sur la qualité des actifs sous-jacents dans un cadre sécurisé conforme à la réglementation

à un allégement des exigences pru- dentielles en fonds propres qu’à la condition qu’elle permette de transférer un risque de crédit signi- catif à un tiers. Dans ce contexte, les banques universelles passent d’une pratique « originate to hold » (générer des prêts qui seront conser- vés au bilan jusqu’à leur échéance) vers une stratégie « originate to dis- tribute » (les prêts sont désormais source de liquidité immédiate pour l’établissement originateur). Les autorités européennes prennent des mesures pour que la titrisation dynamise l’offre de crédit à l’éco- nomie réelle et diminue le risque systémique présenté par les banques quand elles nancent seules l’éco- nomie. Il existe un réel potentiel de croissance pour cette activité. Dans ce contexte porteur pour la titrisation, quels sont les produits de dette et les différentes caté- gories de sous-jacents gérés par EuroTitrisation? La société de gestion EuroTitrisation traite toutes les formes de véhicules de titrisation traditionnelle et syn- thétique grâce à une expérience de 25 ans sur ces produits, des équipes spécialisées dans l’analyse et le suivi statistique des créances et des risques associés, la comptabi- lité, les opérations cash liées à ces opérations et à de puissants outils informatiques. Avec un encours de plus de 74 milliards d’euros, au 30 juin 2014, réparti sur 120 com- partiments, nous atteignons une part de marché de 44 % en France.

European ABS issuance (en milliards d’euros) 2006 à 2013

2010

2050

Retained ABS

Non retained ABS

800 700 600 500 400 300 200 100 0 900

500 600 700 800 900 400 200 100 300

0

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Sources: European Central bank

*Population aged 65 and older to population aged 15 to 64

European Securitisation Outstanding (en trilliards d’euros) T2 2008 à T2 2013

Retained

Placed

2,5

2,0

1,5

1,0

0,5

0

2008 T2

2008 T4

2009 T2

2009 T4

2010 T2

2010 T4

2011 T2

2011 T4

2012 T2

2012 T4

2013 T2

Sources: AFME/SIFMA Members, AFME, Bloomberg, Dealogic, Thomson Reuters, SIFMA

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